Vue sur le massif du Mont Rose

Mont Rose : ascension de la Pointe Dufour par la voie normale

Dénivelé positif : 1 700m d’approche, 1 800m d’ascension et 500m pour la descente du refuge
Altitude min/max : 1 608 / 4 634 mètres (refuge : 2 883 m)
Durée : 3 jours

Cela fait déjà un an et demi que j’ai publié mon dernier article, et ce n’est pourtant pas faute d’avoir passé quelques beaux moments en montagne… L’envie de les raconter enfin de retour, je me lance à nouveau pour vous parler de notre dernière belle ascension : celle des 4 634m de la Pointe Dufour, au Mont Rose, par la voie normale.

Petites galères, joies communicatives, bonheur de fouler le sommet : voici comment se sont passées nos trois jours aux pieds des géants suisses… Vous y trouverez aussi quelques indications et précisions aux topos, qui je l’espère vous serviront si vous projeter de réaliser cette ascension !


Jour 1 : L’approche, de Zermatt à la Monte Rosa Hütte

Nous venons de passer une dizaine de jours dans les Dolomites, à alterner entre randos, escalade et via ferrata dans ces paysages italiens majestueux. Une mise en jambes honorable pour s’attaquer au toit de la Suisse… Et pourtant si insignifiante par rapport à la journée qui nous attendait !

L’espoir d’une journée “cool”

Ce matin, on ne se presse pas : d’après tous les topos consultés, il ne nous faudra pas plus de 5h pour rallier la cabane du Mont Rose depuis Zermatt à pied. On a trouvé relativement peu d’infos sur cette approche, tous les topos conseillent en effet de prendre le train qui mène à Rotenboden, avant de poursuivre en marchant (4h de marche). De notre côté, on préférait éviter le train dont le tarif est assez élevé, et on s’est donc fié aux fameuses 5h annoncées.

On démarre tranquillement la rando en longeant la Viège, jusqu’à atteindre le hameau de Furi. De là, on grimpe jusqu’à Riffelalp, un petit alpage touristique peuplé de restaurants et de remontées mécaniques. On s’engage alors sur le chemin qui part au Sud, qui nous parait beaucoup plus sympa et ombragé que le chemin qui monte par les pistes.

Le chemin serpente jusqu’à atteindre le joli lac de Riffelsee, d’où la vue est imprenable sur la fameuse montagne Toblerone : le Cervin. Il fait chaud, et cela fait déjà plus de 3h qu’on marche. Le refuge ne devrait plus être trop loin ! Encore quelques mètres, et la première récompense du jour s’étale devant nos yeux : un point de vue incroyable sur le Mont Rose et le glacier du Gorner (en couverture de l’article).

Lac Riflelsee qui reflète le Cervin, Zermatt Monte Rosa
Le lac de Riffelsee, avec vue sur le Cervin

Rattrapés par la réalité !

C’est là que Nico à la bonne idée de demander à quatre alpinistes sur le retour si la Cabane du Mont Rose est encore loin. Ils paraissent étonnés de nous voir là au milieu de l’après-midi, et on comprend vite pourquoi quand ils nous répondent que oui, c’est encore loin : “un peu moins de 4h, si vous êtes rapides !”.

On n’en revient pas. On se dit qu’ils ont un peu exagéré et on avance, d’autant plus qu’on aperçoit maintenant le refuge, qui parait presque proche. L’itinéraire longe le glacier en balcon et on arrive finalement à une intersection : par le haut, 15mn de moins mais un long passage par le glacier. Alors on décide de passer par le bas. Finalement, et même en y mettant du rythme, on met un temps fou à avancer, obligés de descendre des échelles, puis de chausser les crampons pour passer sur le glacier, avant de longer par le chemin le plus bas qui aurait pu exister… et enfin, d’attaquer la remontée finale jusqu’au refuge.

Au total, il nous aura fallu 7h pour atteindre la Monte Rosa Hütte. On arrive sur les rotules, et pile à temps pour mettre les pieds sous la table et profiter du dîner. Une journée qui n’aura clairement pas été de tout repos ! On ne s’attendait pas vraiment à ça et pour le coup, le topo aurait mérité un peu plus de détail. Si vous souhaitez vous aussi faire l’approche 100% à pied, vous voilà prévenus !

Vue sur le glacier du Gorner, depuis le refuge Monte Rosa
Vue sur le glacier du Gorner depuis la Monte Rosa Hütte

Jour 2 : l’ascension du Mont Rose par la Pointe Dufour, 4 634 mètres

2h du matin, c’est le jour J. On commence tous les quatre à s’équiper, prêts à attaquer l’ascension du Mont Rose. Et pourtant, ça commence plutôt mal : on met le nez dehors pour se rendre compte qu’il pleut (la météo annonçait grand beau, bienvenue en montagne !). On patiente quelques minutes avec tous les téméraires du jour, avant de se décider à partir, vêtus de nos fidèles Gore-Tex, sous une fine pluie qui a au moins le mérite de réveiller les troupes.

Jardinage sur les pentes du Mont Rose

L’itinéraire du Mont Rose démarre Sud-Est, dans le pierrier qui surplombe le refuge. Pas facile de repérer les traces de peinture ou les cairns de nuit, à la lumière de la frontale… Heureusement, deux autrichiens qui semblent connaître l’itinéraire nous précèdent. On atteint le glacier vers 3 000 mètres d’altitude et la visibilité ne s’améliore pas. On s’équipe, et on continue à grimper. La trace se fait de plus en plus incertaine et le glacier devient extrêmement piégeux, très ouvert et constellé de ponts de neige qui n’inspirent pas confiance. Les autrichiens serpentent entre les crevasses, et nous mettons un temps fou à avaler cette portion.

Le jour commence à pointer et on se rend vite compte que l’on n’est pas du tout sur la voie normale. De nuit, la trace n’est pas évidente, et nous sommes en fait montés par l’itinéraire hivernal, parfaitement pratiquable quand les crevasses sont recouvertes par d’importantes chutes de neige, mais beaucoup moins évident en été !

Vue sur la pointe Dufour, sommet du Mont Rose
Vue sur le sommet. La Pointe Dufour est à gauche

La bonne nouvelle, et pas des moindres, c’est qu’on pourra facilement éviter cette partie à la descente ! On continue de grimper par la voie normale, par une portion assez exposée au vent. Vers 4000 m, on vire au sud pour attaquer une pente plus raide, qui mène au col Sattel situé juste sous l’arête.

Sur le fil de l’arête ouest

On attaque enfin l’arête, divisée en quatre sections, par une pente de neige facile mais assez raide. La progression est lente et on tente tant bien que mal de résister au vent qui nous accompagne sans ciller. Rapidement, nous voilà au départ de la deuxième partie de l’arête : un passage de rocher coté PD , le long duquel on progresse toujours corde tendue.

Nous sommes ensuite de retour sur la neige pour une pente encore plus raide que la précédente et assez impressionnante. Piolet à la main, nos deux cordées avalent les quelques dizaines de mètres qui nous séparent du dernier passage de rocher, qui finit en beauté avec une cheminée cotée AD (mais équipée d’une corde fixe pour faciliter la progression).

Victoire, nous voilà enfin tous les quatre au sommet, plus près que je ne l’ai jamais été d’une étoile depuis une année et demie. Le bonheur légèrement teinté d’appréhension, quand on pense à cette arête qu’il va falloir traverser en sens inverse… Le temps d’une photo, et on rebrousse déjà chemin pour ne pas s’éterniser sur cette arête.

La descente jusqu’au refuge du Mont Rose

Quelques mètres à peine, et déjà, nous sommes rattrapés par l’un des deux autrichiens croisés plus tôt ce matin. Il est seul à s’être engagé sur l’arête, et nous demande gentiment s’il peut se joindre à notre cordée pour descendre la cheminée… Et soyons honnêtes : on est bien contents de l’avoir avec nous dans cette portion un peu chaotique !

L’arête enfin avalée, on rejoint le col Sattel où l’on souffle un peu en attendant Chloé et Nico. Et puis on attaque la descente, en prenant soin cette fois d’emprunter la voie normale. Il est 14h lorsque l’on atteint le refuge, heureux d’avoir atteint le sommet du Mont Rose, fatigués après plus de 11h d’effort. Le programme de l’après-midi est tout trouvé, entre repos et contemplation dans ce cadre idyllique, qu’il faudra déjà quitter aux premières lueurs demain…


Jour 3 : Retour à Zermatt

8h00. Il est temps de quitter la Monte Rosa Hütte pour descendre retrouver l’animation de Zermatt. Côté itinéraire, on décide de reprendre le trajet aller. Au moins cette fois, on sait à quoi s’attendre ! Sachez qu’il existe également une option qui consiste à descendre le long du glacier, sans remonter au niveau du lac Riffelsee. Elle vous évitera environ 500 mètres de dénivelé positif, mais ne vous fera pas vraiment gagner de temps : la progression sur le glacier, en crampons, reste en général assez lente.

De Riffelsee, on part direction le nord pour rejoindre Zermatt au plus court. Une descente longue (5h30) et éprouvante après ces deux journées bien remplies !

Descente du Mont Rose, vue sur le Cervin en redescendant à Zermatt
Descente à Zermatt, on profite encore de la vue sur la montagne Toblerone

Clap de fin, et bilan 100% positif de ce périple au pays des glaciers ! Une ascension exigeante mais qui nous laisse des souvenirs plein la tête, et un nouveau sommet à 4 000m coché avec les copains. J’espère de tout cœur que ce récit vous aidera dans votre future ascension ! Vous en voulez encore ? Allez lire celui de l’ascension du Grand Paradis, le premier 4000 que l’on avait réalisé en autonomie ou encore l’article qui retrace notre ascension du Mont Blanc.

A bientôt,
Estelle

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