La vue du sommet

Ascension du Mont-Blanc par la voie normale

Dénivelé positif : 1 400m d’approche & 1 000m d’ascension
Altitude min/max : 2 380 / 4 810 mètres (refuge : 3 840m)
Durée : 2 jours

4810. Quatre chiffres qui ont bercé mon adolescence. Le Mont-Blanc, une montagne que j’ai appris à connaître à travers les extraordinaires histoires de mon grand-père : ses ascensions d’une autre époque, alors qu’il n’avait ni le matériel, ni les informations que l’on connait aujourd’hui.

Beaucoup disent que l’ascension du Mont-Blanc (par la voie normale) n’est pas intéressante : pas assez technique, trop fréquentée. De mon côté, c’était un doux rêve que d’avoir, enfin, l’occasion d’en fouler le sommet… Une occasion qui s’est enfin présentée, en ce week-end ensoleillé de juin. Alors, à tous ceux qui ne trouvent pas le Mont-Blanc si inintéressant : voici le récit de notre ascension de la voie normale !


Préparer notre ascension du Mont-Blanc

Cela faisait plusieurs années que cette ascension me trottait dans la tête, et puis entre les galères de réservations et les autres projets entre amis, l’occasion ne s’était jamais vraiment présentée. Mais cette année, alors que l’on avait eu la chance de vivre deux semaines de trek au cœur des montagnes himalayennes en avril, l’occasion était trop belle : on avait la condition physique et les globules ! Alors mi-mai, je me connecte sans trop y croire sur le site de réservation du refuge du Goûter… Et là, surprise ! Deux places disponibles pour la nuit du 18 juin. Je ne réfléchis pas plus longtemps et je réserve. Il nous reste un mois pour potasser le parcours et nous préparer.

Un mois pendant lequel j’ai épluché tous les topos disponibles en ligne, lu tous les dossiers de la compagnie des guides. Ça m’a un peu fait douté : bien sûr, on a quelques ascensions à notre actif, dont le Mont Rose connu pour être plus technique que son cousin français. Mais les mises en garde que l’on retrouvait sur chaque topo, chaque article ont fini par entamé un peu ma confiance. D’autant plus que cette année, avec les conditions de chaleur sans précédent, la voie normale était a priori barrée d’une crevasse qui compliquait un peu l’ascension et le couloir du Goûter plus dangereux qu’à l’accoutumée.

Préparation technique et physique

Alors j’ai tout disséqué, revu les techniques, les nœuds, chercher des photos et commentaires sur cette fameuse crevasse, des infos sur les deux contournements possibles. Jusqu’à connaître les moindres détails de cette ascension et à en visualiser chaque étape dans ma tête !

Sur le plan physique, on avait quelques bons restes du Népal, et on a profité du mois de mai pour beaucoup marcher. On est notamment montés à l’Aiguille de la Grande Sassière, une rando exigeante qui permet d’atteindre, sans matériel d’alpinisme, les 3 747m d’altitude. Une bonne façon de passer un peu de temps en altitude et d’avaler du dénivelé, juste avant l’échéance.

Jour 1 : Du Nid d’Aigle au refuge du Goûter

On y est ! Après ces quelques semaines à s’imaginer cette ascension du Mont-Blanc, nous voilà à la gare de Saint Gervais, sourires aux lèvres et sacs sur le dos. Le premier départ du train du Montenvers étant à 8h20, on attaque cette première journée tardivement, pas l’idéal en cette période caniculaire. Alors on s’active au maximum pour arriver le plus vite possible au fameux couloir du Goûter. La montée entre le Nid d’Aigle et le check point sous le refuge de Tête Rousse (800 de D+) nous prend un peu moins de 2h, et la chaleur est déjà étouffante.

Après avoir passé le contrôle des réservations, on s’accorde une petite pause pour croquer dans une barre, et surtout s’équiper : à partir d’ici, on commence à évoluer sur glacier. Alors on troque le short et les baskets de saison contre nos pantalons d’alpi, nos grosses et le combo baudrier, casque, crampons. On poursuit tranquillement notre ascension, jusqu’à atteindre le fameux “couloir de la mort“. Une cordée passe dans l’autre sens, on attend patiemment. Le guide nous indique que rien ne semble bouger ce matin, ouf ! On se munit chacun de notre piolet et on traverse le couloir, sans trainer, mais sans nous précipiter non plus. Pas une pierre pendant notre traversée, mais à peine arrivés de l’autre côté que l’on commence déjà à entendre débarouler.

Arête rocheuse et arrivée au Goûter

Après ce passage délicat, on attaque l’ascension de l’arête du Goûter, une arête rocheuse cotée en II, longue et assez éprouvante même si elle n’est pas très technique. On est sur le fil, juste à droite du couloir du Goûter, et d’ici les chutes de pierre sont impressionnantes. On prend la mesure du danger de la traversée de ce fameux couloir, heureux d’être à l’abri sur notre arête. La fin de celle-ci, assez raide, est en partie équipée de câbles qui aident à la progression.

On atteint alors l’ancien refuge, avant de terminer cette première journée d’ascension en direction du Mon- Blanc par une partie en neige. Au total, environ 2h30 depuis Tête Rousse pour 600m de dénivelé positif. On s’installe au refuge, avant de profiter du déjeuner et d’une après-midi repos dans cet édifice impressionnant, dont la vue sur les alentours est juste magique.


Jour 2 : Ascension du Mont-Blanc par la voie normale

La nuit a été courte. Même très courte, entre la chaleur du dortoir et le cerveau en boucle sur l’ascension jusqu’au sommet. On se réveille un peu avant 2h, on avale le petit déjeuner avant de nous encorder pour attaquer l’ascension de la voie normale. On avance, à la lueur de nos frontales et de celles des cordées devant nous, au fil de la trace bien marquée en cette saison. Au bout d’environ 1h30, on atteint les pentes ouest du Dôme du Goûter que l’on gravit avant de passer sous le sommet. On descend une cinquantaine de mètres pour traverser le col du même nom, puis on remonte une pente raide pour atteindre l’abri Vallot.

D’ici, le vent commence à nous refroidir sérieusement, mais la météo est au beau fixe. On ne traine pas, on dépose nos bâtons, on réduit l’encordement, on prend notre piolet et on poursuit l’ascension en direction de la première bosse (35°), qui marque le début de l’arête des Bosses. C’est à ce moment que les premières lueurs du soleil se font visibles, et le spectacles est juste magique. C’est aussi à ce moment qu’on se retrouve face à une crevasse qui coupe la large trace de montée en deux. Un pont de neige a cédé la veille au passage d’un guide, subtil rappel qu’il faut rester prudent, même si cette trace bien marquée parait sans danger !

Une crevasse sur la voie normale du Mont-Blanc

Encore quelques centaines de mètres, puis l’on arrive devant la fameuse crevasse de 15 mètres de large qui occupe toutes mes pensées depuis un mois. Elle est en effet impressionnante. Deux itinéraires s’offrent à nous pour la contourner. À droite, une pente raide et engagée, mais qui permet de rejoindre rapidement le fil de l’arête. À gauche, une traversée que l’on nous a dit également un peu engagée, mais on n’a pas vraiment de visibilité sur la suite de l’itinéraire. On choisit d’opter pour l’itinéraire de droite, et l’on passe sans trop de problèmes mais en restant très concentrés cette raide pente dans laquelle des marches ont été taillées au fur et à mesure du passage des alpinistes.

Au fil des crevasses pendant l'ascension du Mont-Blanc
Au fil des crevasses du Mont-Blanc

On rejoint alors la longue arête effilée de la voie normale, que l’on suit jusqu’à enfin atteindre le sommet. Il est 6h, on est gelés mais tellement heureux d’avoir réussi notre ascension, à deux, sans rencontrer de problèmes et dans des conditions météo idéales. Le temps d’immortaliser l’instant, d’imprimer la vue dans nos mémoires, et on s’attaque au deuxième défi du jour : la descente post ascension du Mont-Blanc !

Le sommet est en vue !
Le sommet est en vue !

Descente depuis le sommet du Mont-Blanc

On entame la descente par la même arête effilée empruntée à l’aller, avant d’arriver à l’intersection entre les deux itinéraires de contournement de la crevasse. Le soleil ayant commencé à bien chauffer la neige, on opte cette fois-ci pour la sécurité et on choisit l’itinéraire – plus long – qui contourne toute la crevasse et se termine par une traversée. On slalome alors entre des crevasses immenses, toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Arrivés devant la traversée, on est rassurés : elle nous semble finalement beaucoup plus safe que l’itinéraire choisi à la montée, et largement à notre portée. On rejoint l’arête des Bosses et on poursuit notre descente jusqu’à Vallot, où l’on récupère nos bâtons.

Vue sur le sommet, ascension du Mont-Blanc
Vue sur le sommet

On atteint le refuge du Goûter à 9h. Enfin, on profite d’une pause bien méritée pour avaler un cookie et un chocolat chaud, histoire de reprendre des forces avant d’attaquer la descente de l’aiguille du Goûter. Cette descente me parait d’ailleurs interminable. Il faut dire que la désescalade, c’est vraiment pas mon truc. On reste encordés et on progresse doucement, mais sûrement, pour atteindre et traverser au plus vite le couloir.


Quelques tips pour vous préparer

  • Nous avons choisi de faire cette ascension en deux jours, en montant au refuge du Goûter d’abord, puis en faisant le sommet et l’intégralité de la descente le lendemain. Sachez qu’il est également possible de dormir à Tête Rousse, pour passer le couloir du Goûter plus tôt (et ainsi éviter au maximum les chutes de pierre), et qu’il est aussi possible de le faire en 3 jours pour s’économiser et limiter les risques. Le plus safe à mon sens ? Dormir à Tête Rousse la première nuit, puis au Goûter la seconde, ce qui permet de passer à chaque fois le couloir du Goûter tôt dans la matinée.
  • Cette ascension n’est pas très technique, mais elle demande de connaître les techniques d’évolution sur glacier, les nœuds d’encordement, l’assurage… Renseignez-vous : de nombreux topos, des articles, des vidéos ou encore des guides sont disponibles en ligne (notamment sur le site de la compagnie des Guides de Chamonix ou de la Chamoniarde). Et surtout, si vous n’avez pas un minimum d’expérience, prenez un guide !
  • Une partie des accidents au couloir du Goûter sont causés par la précipitation. Le passage est étroit et la pente raide. Soyez vigilants aux chutes de pierre bien sûr, mais ne vous précipitez pas non plus pour passer, au risque de chuter.
  • La descente est longue, surtout si vous la faites d’une traite. Prenez le temps de manger et boire au refuge du Goûter, puis à nouveau de vous reposer à Tête Rousse. Quitte à prendre le dernier train pour redescendre dans la vallée !

Cette ascension restera gravée dans nos mémoires. J’espère que vous aurez apprécié cet article, et promis, la prochaine fois, je vous raconte nos deux semaines de trek en terre népalaise !

A bientôt,
Estelle

3 commentaires sur “Ascension du Mont-Blanc par la voie normale

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