Depuis le lancement du blog il y a quelques mois, j’ai pour objectif de devenir plus autonome en haute montagne. Dans le but de poursuivre ma progression, j’étais au pied de la Meije pour participer à la Grave’y Cimes les 23 et 24 juin. Si vous ne connaissez pas cet événement, il s’agit de deux jours consacrés à la montagne sous toutes ses formes : au programme, des ateliers glace, rocher, et quelques courses d’initiation… Le tout encadré par des guides et ouvert aux débutants. Cet événement, organisé tous les ans à La Grave, est une superbe occasion de découvrir les disciplines alpines dans un cadre extraordinaire : celui du glacier de la Girose.
Dès le vendredi soir, nous retrouvons la team du GAUL au camping de la Gravelotte, qui sera notre chez nous pour les deux prochains jours.
Jour 1 : la Grave’y Cimes à travers ses ateliers
Samedi matin, après un petit trafic de matériel, nous voici tous partis pour le téléphérique de la Grave. Direction le glacier de la Girose, où nous attendent les encadrants et les nombreux ateliers. En tout cas, nous sommes équipés ! Broches à glace, bloqueurs mécaniques, sangles en pagaille, on ne sait pas s’en servir mais on a tout !
Bien s’encorder pour progresser sur glacier
Enfin arrivés au sommet, nous cherchons l’atelier encordement. Celui-ci doit nous permettre d’apprendre à nous encorder proprement pour ensuite progresser sur glacier, par cordées de deux ou trois. Pas d’encordement, pas d’autres ateliers ! Nous écoutons donc avec concentration les conseils des guides… Et honnêtement, je ne savais pas que l’encordement pouvait être aussi technique ! Franchement, c’est tout un art. Mais comme je suis sympa, je vais vous donner quelques astuces que j’ai pu retenir de cet atelier :
• Faire ses anneaux près du corps permet d’être moins gêné si on doit chopper du matériel au baudrier. Mais trop serrés, on se sent un peu coincé, surtout si on doit rajouter une couche de vêtements.
• La longueur d’encordement dépend du risque qui domine. Cela veut dire que si on se déplace sur une pente relativement plane (où le risque dominant est celui de traverser des crevasses), on s’encorde assez long. A l’inverse, dans une pente plus raide où le risque majeur est celui de dévisser, on s’encorde plus court, pour éviter que la force d’une chute entraîne le reste de la cordée.
• Mieux vaut éviter de bloquer ses anneaux de corde. Pourquoi ? Tout simplement car c’est plus facile d’en libérer si on a besoin de plus de corde, ou inversement. Pour des anneaux long par contre, les bloquer permettra d’éviter qu’ils gènent votre progression.
• Une fois vos anneaux tout bien faits, il ne reste plus qu’à faire un joli nœud au pontet. La question à un million : on fait quel nœud ? Et là, c’est un grand débat ! Personnellement, maintenant que j’ai enfin compris la manip’, je vous dirais nœud de chaise. Mais chacun y va de son avis, nœud d’arrêt, cabestan, alors à vous de voir ce que vous préférez.
Ecole de glace : l’art du planté de piolet
Encordés et prêts à en découdre, nous nous élançons donc pour une petite randonnée glaciaire, direction les ateliers installés un peu plus haut. Le premier sur lequel nous jetons notre dévolu est celui de l’école de glace. L’idée, c’est de descendre au pied d’un mur de glace, et de remonter à l’aide de deux piolets-traction et de ses crampons.
L’exercice peut sembler facile, mais il est en réalité technique. Ce n’est en effet pas si simple de bien planter ses pointes avant dans la glace, de sorte que tout son poids y soit suspendu. Pour être honnête, j’ai tout mis dans les bras ! J’ai encore un peu de boulot pour apprendre à bien calé les pointes de mes crampons. L’exercice est bien sûr assuré du haut par notre partenaire de cordée, donc pas d’inquiétude pour les novices.
Mouflage : appréhender le sauvetage en montagne
Notre deuxième escale du jour : l’atelier mouflage. Le mouflage est une technique qui permet de hisser son compagnon de cordée, qu’il ait un petit coup de mou et ne puisse pas sortir un pas un peu plus difficile ou, pire, qu’il soit tombé dans une crevasse. Le mouflage nécessite pas mal de matériel comme des poulies. Il en existe deux types, le simple, qui divise le poids du second par 2, ou le mariner double, qui le divise par 7.
Ces techniques demandent de la pratique, je ne vais pas vous les décrire et vous conseille de vous les faire expliquer par des professionnels. Dans tous les cas, si votre compagnon chute dans une crevasse, préférez toujours vous faire aider par d’autres randonneurs plutôt que d’effectuer l’un de ces montages compliqués et long à mettre en place.
Apprendre à franchir une rimaye
Nous terminons cette première journée d’ateliers par une descente de rimaye. Moins technique que les ateliers précédents, celui-ci nécessite de maîtriser les nœuds et de connaître quelques points de sécurité. Une rimaye, c’est une crevasse. Cela implique qu’on y passe jamais à deux en même temps. Je m’installe au niveau de l’ancrage pour assurer Maël, qui descendra en premier. Pour l’atelier, des points d’assurage ont été mis en place, mais dans la grande majorité des cas, il est difficile de protéger un passage de rimaye.
Une fois sorti, mon binôme se met en place pour assurer ma descente. L’assureur doit alors être longé à un ancrage et assez en retrait de la rimaye pour pouvoir enrayer la chute éventuelle, le second étant en effet peu protégé car assuré du bas, et en général sans points bétons (voir sans points du tout !). La progression en corde tendue ne pourra alors reprendre que lorsque les deux compagnons sont hors de la rimaye. Ces techniques sont aussi valable dans l’autre sens, lorsqu’on remonte une rimaye.
Il est déjà 15h30, et nous devons nous diriger vers le téléphérique pour éviter de passer la nuit à 3200 mètres d’altitude. Nous regagnons la Grave la tête lourde d’enseignements (sauf pour Arnaud qui descend plus léger, puisqu’il a laissé tombé son descendeur au fond de la crevasse au premier atelier ! 😁). Le seul bémol pour nous aujourd’hui : nous avons trouvé l’attente entre les ateliers un peu longue. Cela mériterai plus d’ateliers pour les éditions futures !
La soirée tient ses promesses ! Nous retrouvons enfin nos compagnons du GAUL, pour un repas dans un restaurant du centre ville, compris dans l’inscription au week-end. Nos attentes pour demain sont à leur comble, et c’est impatients que nous regagnons nos palaces pour une nuit à la fraîche au camping…
Jour 2 : randonnée glaciaire et ateliers rocher
Ce matin, nous sommes attendus par l’un des guides de la Grave au sommet du téléphérique pour une randonnée glaciaire encadrée. Nous décidons donc de prendre un peu d’avance pour faire partie des premiers au téléphérique, afin d’éviter un départ trop tardif pour cette rando. Eh oui, les ateliers d’hier ne nous ont pas suffit, et nous espérons avoir l’occasion de nous essayer à ceux axés rocher à notre retour !
Le Dôme de la Lauze pour connaître les fondamentaux de la rando glaciaire
Nous retrouvons Thomas et le reste du groupe pour le briefing de rigueur avant de démarrer. Après les ateliers techniques de la veille, le petit recadrage de Thomas fait du bien. Il nous explique en effet que le plus important, c’est de savoir éviter l’accident plutôt que d’apprendre à sortir d’une crevasse ou à faire un mouflage. Pour preuve, en 10 ans de métier, il n’a jamais eu à faire de mouflage avec des clients.
Voici donc les éléments indispensables à maîtriser, pour partir sur une randonnée glaciaire en autonomie :
• Savoir s’encorder. C’est la base, et presque la connaissance la plus technique à avoir. En fonction du terrain, il faut savoir choisir un encordement long ou cours et prendre le temps d’ajuster cette longueur au cours de la randonnée si besoin.
• Etre incollable sur les conditions du jour. Cela implique de maîtriser la météo et son évolution au fil de la journée, de connaître les conditions de neige (savoir, par exemple, s’il y a eu un regel dans la nuit).
• Connaître le groupe, ses forces et ses faiblesses. Et surtout, partir avec un ou des compagnons de cordées avec lesquels on est sur la même longueur d’onde. En montagne, on ne maîtrise pas tout et, si une complication se présente, il faut savoir prendre la décision de continuer ou non. Autant partir avec des compagnons de cordée qui résonnent comme vous, histoire d’éviter le conflit au beau milieu d’un glacier.
• Savoir renoncer. La montagne, elle, ne bougera pas. Lorsqu’on part pour une course, on se donne un timing précis. Si celui-ci n’est pas respecté, il faut parfois savoir faire demi-tour sans atteindre l’objectif. C’est l’assurance de rentrer chez soi après chacune des sorties, et la cause de nombreux accidents de montagne.
Ces éléments bien en tête, nous partons finalement à la conquête du Dôme de la Lauze. Et quelle ne fut pas notre surprise, arrivés au sommet, de nous retrouver assaillis de flocons. Pourtant, le soleil était encore là il y a quelques minutes à peine. A croire que Thomas, pour appuyer son propos, complote avec les nuages… Le ciel s’éclaircit à nouveau et, heureux d’avoir atteint notre but, nous descendons en direction des ateliers rochers, que nous brûlons désormais de découvrir.
A l’assaut des rochers
Après deux jours à marcher dans la neige, il est maintenant temps de déchausser les crampons pour un atelier d’une autre sorte : la course d’arêtes. Les guides ont équipé une petite arête pour permettre aux participants d’appréhender la progression en corde tendue sur rocher. J’ai déjà eu la chance de m’essayer à cette discipline, une fois avec le GAUL à la Dent du Loup, une autre à l’occasion d’une initiation aux arêtes de la Bruyère. C’est avec plaisir que je m’engage donc sur ce parcours, toujours avec mon compagnon de cordée Maël, que je ne quitte pas depuis deux jours.
L’atelier s’avère très complet. Nous passons un passage vertical qui nécessite un assurage au becquet, puis entamons une traversée aérienne sur le fil des arêtes. A l’autre extrémité, c’est un rappel qui nous attend. Les guides ont installé une corde fixe, nous pouvons donc descendre en même temps, chacun sur un brin. Dans le cas contraire, il nous aurait fallu nous désencordés pour descendre, chacun notre tour, sur deux brins, comme un rappel habituel. J’ai beaucoup apprécié cet atelier, malgré les sueurs froides. Habituée à l’escalade en chaussons, je panique chaque fois que je dois grimper chaussée de grosses d’alpinisme… Mais là encore, il va me falloir un peu plus de pratique pour être à l’aise !
Nous n’avons pas pu tout faire, mais sachez qu’il y a plusieurs autres ateliers rocher : escalade en grosses, artif’, se repérer sur une carte… et j’en oublie sûrement d’autres.
Bilan d’un week-end au sommet
Nous sommes déjà dimanche soir, et nous avons eu beau assister au tirage au sort traditionnel de l’événement, je quitte La Grave les mains vides… Enfin presque ! Croyez moi ou non, le fameux Tubik égaré au fond de la crevasse au premier atelier d’hier est revenu de l’au-delà ! Récupéré par un guide qui devait s’ennuyer un peu… J’ai presque l’impression d’avoir gagné le gros lot 😋 !
Je garde un super souvenir de ce week-end. Il y a certes eu un peu d’attente aux ateliers, mais nous avons pu découvrir de nombreuses bonnes pratiques, aussi bien sur glace que sur rocher. Il s’agit pour moi d’un rendez-vous à ne pas manquer pour se faire la main en alpinisme, et j’y reviendrai avec plaisir l’an prochain. Merci à Emilie et Arnaud pour ces bons moments, ainsi qu’à la team du GAUL pour leur bonne humeur légendaire !
Pour les intéressés, rendez-vous l’an prochain sur le site de la FFME pour vous inscrire.
Pour ceux qui ont participé à cette édition 2018, j’attends avec impatiences vos retours et remarques sur cet événement ! Avez-vous eu la possibilité de tester d’autres ateliers que ceux présentés ici ?
A très vite,
Estelle